Bruxelles peut choisir un urbanisme soutenable et au service des habitants

La lecture de l’interview parue dans l’Echo de ce 15/07/2022 du Secrétaire d’État à l’Urbanisme soulève une série de considérations, dont la première est de revenir à l’objectif d’une politique urbaine : rendre le droit à la ville accessible à l’ensemble de la population ; or force est de constater que l’on assiste à une augmentation du coût du logement qui rend de plus en plus ce droit à la ville inaccessible pour les revenus les plus faibles, mais aussi pour les revenus « moyens » et je dis moyen pour les ménages qui ont une activité professionnelle : profs, infirmiers ou infirmières, instits, indépendants etc.

Ce que l’on attend de la politique urbanistique est bien de ne pas favoriser la hausse des coûts et je peux identifier rapidement deux causes : les délais très longs 3, 4, parfois 5 ans pour obtenir un permis et une incitation à la hausse par un phénomène de « spéculation » bien identifié par Benoît Moritz dans son rapport sur le logement dans le cadre de l’après -covid. En effet il indique que l’incertitude crée par le système des dérogations quasi systématiques aux densités et aux hauteurs prévues amènent une hausse des prix du foncier et « gonflent » les projets. 

Force est de constater qu’aujourd’hui encore la plupart, sinon l’entièreté des grosses rénovations, voire de démolitions-reconstructions aboutissent à une augmentation significative du volume des m2 construits.

Or le RRU dans son orientation actuelle semble encore vouloir accentuer cette évolution. 

Pour y faire face il me semble urgent de préciser la mesure de la densité et définir clairement le P/S, c’est-à-dire le rapport plancher sol qui est autorisé par zone. Une définition trop imprécise, laisse la porte ouverte à toute les attentes et il faut le craindre ouvrira la porte à des recours sur des projets contestés.

Autre élément de réflexion, certains investisseurs bénéficient de dérogations importantes qui augmentent la valeur de leur bien ou tout simplement ils valorisent en logement des terrains autrefois industriels grâce à la création des Zones d’entreprises en milieu urbain dans la Plan Régional d’Affectation du Sol. Or la Région qui autorise cette augmentation de la valeur n’en capte aucun retour direct. C’est pourquoi au-delà de la réforme de l’arrêté sur les charges d’urbanisme il faudra également réfléchir à une récupération partielle des plus-values obtenues par certains permis. Que ce soit par l’augmentation du volume construit ou par le fait que l’on construise du logement sur un terrain dont la valeur a été fixée en fonction de sa destination de terrain industriel, un retour de la plus-value doit bénéficier à la Région.

Et cela pour être affecté à la construction/rénovation de logements abordables et sociaux. De quelle manière ? Cela mérite réflexion : par la mise à disposition de logements à loyers accessibles, par l’alimentation de l’allocation loyers, par la construction de logements pour le Fonds du Logement etc…

Sur la durée des permis, oui il faut clarifier les rôles. Je défends depuis longtemps que les communes puissent délivrer en toute autonomie des permis d’intérêt communal, par exemple les projets de logement de moins de 1000 m2 avec une procédure simplifiée.

Cela m’amène aussi à questionner le rôle du BMA (Maître Architecte) qui devient de plus un plus un super agent de l’urbanisme bruxellois et dont l’intervention est déterminante ; aujourd’hui ce ne serait plus URBAN qui va examiner si les permis de démolition sont justifiés, mais le Maître Architecte ? Est-ce que cela a du sens ?

Les réunions de projet sont une bonne chose à condition : que l’information et la concertation du public sur les grandes options se passent avant ces réunions et que l’on respecte la règlementation ; il ne sert à rien d’octroyer des dérogations qui ouvrent la porte à des recours. Le dernier et très lamentable exemple est celui de la Place de Brouckère, Brouck’r aujourd’hui devenu un chancre. 

Autre exemple le projet Lebeau au Sablon, piloté par le Bouwmeester, qui était pourtant trop dense et destructeur du patrimoine.

Sur l’enjeu des PAD, de la biodiversité et en particulier celui du PAD Josaphat, il faut reconnaître à la fois de la promotion de la biodiversité dans une stratégie régionale tant dans les zones plus étendues que via un réseau d’espaces plus petit dans toute la Région. Est-il encore possible de trouver un compromis autour de la construction de logements abordables sur le site ? C’est le vœu de DéFI. L’aménagement des villes est aujourd’hui un enjeu environnemental majeur qui doit être traité avec sérieux : bilan carbone, logement durable, recherche d’un consensus sociétal, sont les outils pour le réussir.

Pour ce qui est du Patrimoine, on peut saluer le rattrapage d’un certain retard et la meilleure prise en compte du patrimoine moderniste. Reste que la question du rapport historique entre l’espace public : rues et places dans les quartiers néo-classiques de Bruxelles ou la réflexion sur une manière de protéger les points de vue et le paysage « à vue d’oiseau » doivent être renforcés. Les toitures à Bruxelles deviennent de plus en plus des « énormes » installations de tuyaux de ventilation, de pompes à chaleur ou d’installations de toutes natures qui nuisent à l’embellissement et à la qualité de la vie en ville. Ces techniques doivent trouver leur place dans le volume bâti. On attend aussi une modification claire du RRU dans cette matière et surtout le suivi des infractions urbanistiques, ce qui ne se fait pas pour le moment.